Par Foued ALLANI
Inadmissible ! Voilà près de six mois que le flou politique est en train de densifier, jour après jour, le brouillard devant la « charrette » économique de notre pays. Depuis le décès de l’ex-chef de l’Etat en exercice, feu Béji Caïed Essebsi, le 25 juillet 2019, notre pays subit, en effet, les conséquences désastreuses de cette situation chargée d’aléas.
Déjà et avant ledit triste événement, notre pays était secoué par les retombées négatives d’un conflit entre les deux têtes de l’exécutif et au sein du parti qui était majoritaire, soit une tension néfaste qui dure depuis maintenant trois « bonnes » années, car elle a pris une autre forme, celle d’une forte tension au sein du parlement et un exécutif vidé de son énergie vitale et quasi-paralysé.
Tension qui continue de nuire à notre économie en général, en renvoyant une image négative de notre pays et à notre appareil productif, en particulier, ainsi qu’à la qualité toujours en régression des services sociaux vitaux, comme aussi à l’infrastructure déjà fragile et insuffisante, cela sans parler de l’incapacité grandissante de l’Etat à investir dans le développement et la réduction des inégalités.
Ainsi notre économie n’a pu enregistrer qu’une petite et orpheline unité de croissance (1%) l’année écoulée contre 2,7 en 2018 et contre les 3,1% prévus par le gouvernement. Contre-performance due entre autres à ce flou et aussi à ce relâchement constaté au niveau des structures publiques et des différents rouages de l’administration.
Une croissance à peine perceptible et qui ne permet ni d’affronter le remboursement de la dette publique ni de générer assez d’emplois pour faire reculer le chômage, ni d’assurer comme déjà dit l’offre de services sociaux d’une qualité acceptable, ni d’entretenir une infrastructure déjà assez malmenée.
La crise constatée concernant la formation d’un gouvernement plus de quatre mois après les élections législatives et la possibilité qu’elle nous livre pieds et poings liés à l’inconnu, en raison d’une lacune constitutionnelle, est, hélas susceptible de s’aggraver.
Cependant, il est impératif de rappeler ici qu’entre celui qui touche un salaire lui assurant un minimum de vie décente ou un confort visible et celui qui ne sait pas s’il va s’assurer au moins un repas par jour, il y a tout un monde.
Ne parlons pas de tous ceux qui travaillent et qui ne sont pas sûrs pour les uns de dégager des profits capables de leur permettre de survivre et de faire survivre leur activité (petits commerçants et artisans) ou de toucher leur salaire, pour les autres.
A ceux-là il faudrait ajouter la population en chômage, celle constituée de familles pauvres et celle formée par tous ceux qui pour une raison ou une autre sont incapables de travailler et le compte est bon pour faire grossir les rangs de la misère qui est un vrai frein à tout effort de développement.
Or, nos chers décideurs politiques, qui sont dans leur grande majorité des salariés, ne semblent pas conscients de cette situation intolérable. Pire, trouvent le moyen de s’adjuger le luxe de jouer aux enfants gâtés et pour certains aux conquérants réclamant leur part du butin.
D’où l’importance de concevoir des mécanismes, autres que ceux des sanctions des urnes pour demander des comptes à ces « responsables », qui adoptent dans la réalité des positions et des comportements irresponsables, car en plus de salaires consistants, ils jouissent d’une impunité plus que révoltante.
Cela doit prendre fin immédiatement, notre pays ne pouvant plus supporter, en effet, cette grave situation, ni même envisager le recours à des élections législatives anticipées. Celles-ci pourraient se dérouler avec un très bas taux de participation et donner naissance à un parlement encore plus émietté que l’actuel. Cela sans compter les 50 millions de dinars que coûterait l’opération.
Une perspective à écarter absolument, le président de la République n’étant pas tenu de dissoudre impérativement le parlement, dans le cas d’un nouvel échec de formation d’un nouveau gouvernement, car l’article 89 de la Loi fondamentale lui donne cette possibilité sans le contraindre à y avoir recours.
Autant de problèmes qui doivent nous inciter à remédier aux défaillances enregistrées au niveau de la loi électorale, ainsi qu’à tous les mécanismes pilotant notre vie politique et à nous atteler à une tâche primordiale et on ne peut plus urgente. Celle consistant à entreprendre sérieusement une action de grande envergure visant l’éducation des populations à la démocratie, à l’auto-prise en charge et à une solidarité en profondeur.